La mémoire contemporaine réserve une place particulière àla Shoah, événement sans équivalent dans l'histoire moderne. Ce n'est pas sans raison que ce phénomène, pour universel qu'il soit, relève de l'indicible.Comment imaginer relater - spécialement en images - les expériences de Treblinka ou de Sobibor ? Elles échappent àla raison. On se souvient du ë Hier ist kein warum û ("Ici, il n'y a pas de pourquoi") de Primo Levi.Aucun événement historique, si extrême fût-il, n'échappe àla fiction.Non sans prudence, timidité, erreurs et tâtonnement, parfois avec génie, la BD s'est donc aventurée sur ce terrain. Chacun connaît Maus d'Art Spiegelman. Mais par delàce chef d'oeuvre, comment, et depuis quand, les artistes de la bande dessinée se sont-ils saisis de la représentation du sujet ? Jusqu'àquel point de réalisme l'horreur est-elle représentée, autour de quels thèmes, de quels motifs, de quels symboles ? Comment la Shoah a été abordée par la narration graphique, que ce soit dans les comics (chacun se souvient de la scène des X-Men où le jeune Magneto réchappe aux camps de la mort) ou dans la bande dessinée franco-belge avec La Bête est morte de Calvo, où le thème apparaît dès 1944.C'est àces questions que répondra l'exposition proposée par le Mémorial de la Shoah de janvier àseptembre 2017. Plus de cent vingt oeuvres, signées des plus grands noms (Calvo, Will Eisner, Joe Kubert, Spiegelman) ou complètement méconnues, seront présentées.Le catalogue, dont les textes sont confiés àun groupe d'historiens contemporains et d'exégètes du 9 e Art, se donne pour mission d'élargir et d'approfondir ce parcours, d'interroger les sources visuelles de ces représentations de l'inmontrable, d'établir leur signification, leur pertinence, leur portée et leurs limites. Et d'essayer de comprendre comment au fil du temps le tabou du génocide juif a pu devenir une unité de mesure de l'horreur, un totem.